LYON-TURIN: LA GRANDE
MANIPULATION
La réalité et les chiffres officiels sont incontournables.
Le colloque de Chambéry sur les traversées alpines, nouvelle grande messe médiatique des politiques, n'y changera rien.
Malgré les discours, le tunnel du Fréjus n'est pas submergé par les 40
tonnes en transit. Des chiffres officiels incontestables
Les chiffres officiels collectés sur les passages alpins entre Vintimille au sud et Tarvisio en Autriche montrent que le passage routier du Fréjus, du fait de son mauvais positionnement géographique, est depuis longtemps à la traîne au regard de la fréquentation des axes de Vintimille et surtout du Brenner. N'en serait-il pas de même pour la version autoroute ferroviaire qui de plus, contrairement à une autoroute ferroviaire Rhin-Rhône, pénaliserait le développement du port de Marseille en favorisant le détournement des flux de marchandises vers les ports italiens?
Le 19 juin 1996, lors de l'assemblée
générale ordinaire de la SFTRF, Pierre DUMAS, président de cette société,
s'inquiétait d'un détournement des flux d'échanges par le Brenner et de la
stagnation consécutive du trafic d'échange et du trafic de transit
international passant par le tunnel du Fréjus. Il indiquait également que seul
le trafic local assuré par des camions de petit gabarit continuait à augmenter
sensiblement. Aujourd'hui, à part le report massif sur le Fréjus, de 1999 à
2001, suite à la catastrophe du tunnel
du Mont-Blanc, le trafic de transit a bien diminué et retrouve cette tendance à
la stagnation. Les 40 tonnes «
privilégient » aujourd'hui Vintimille, et envahissent le Brenner. (Voir les
chiffres publiés le 13 septembre 2005 sur_ le site www.are.admin.ch du département fédéral des
transports à BERNE). Je vous renvoie également à mon article,« Autoroute dite
de la Maurienne: inauguration d'un itinéraire gagnant ?» paru dans La Maurienne
du 30 juin 2000 et dans Mountain-Wilderness n° 46.
Une campagne de publicité en faveur du
tunnel du Fréjus
Voilà
la vérité cachée. Voilà pourquoi la SFTRF et la SITAF organisèrent, en
septembre 1995, une campagne de publicité sur l'axe Londres-Athènes pour vanter
auprès des routiers le caractère sûr et agréable du Fréjus (voir l'article
enthousiaste du Dauphiné-Libéré du 30 septembre 1995 intitulé « Offensive de
charme »). Voilà pourquoi ce projet a surtout été défendu par des politiciens
locaux avant tout désireux de profiter de ce projet pour installer une gare
internationale à Chambéry et assurer une desserte encore plus compétitive des
stations de ski savoyardes. Cette manipulation de la réalité n'a été rendu
possible qu'avec la complicité de la presse notamment locale et régionale et de
journalistes qui se contentent de rapporter les déclarations et communiqués de
ces politiciens. Aucun journaliste, à ma connaissance, n'a eu le courage de
dire la vérité, en 2002, sur le mensonge du gouvernement JOSPIN qui annonça
l'achèvement du Lyon-Turin pour 2012 (voir le Dauphiné-Libéré du 20 mars 2002)
. J'ai été le seul à faire paraître une tribune libre « La date de 2012
est-elle crédible? », dans la Vie Nouvelle du 11 avril 2002 pour dénoncer le
grossier mensonge contenu dans cette annonce. Il est vrai que des élections
présidentielles et législatives se profilaient... Je vous renvoie également à
ma tribune libre « Lyon-Turin par le rail: discours et réalité » parue dans La
Vie Nouvelle du 7mars 2002 .
Avantage à la Suisse
La
victoire suisse, prévisible de longue date, dans les traversées ferroviaires
alpines semble inéluctable et rend encore plus dérisoire le glissement du
discours des promoteurs du Lyon-Turin qui oubliant l'axe nord-sud
(Londres-Rome) dans lequel ils inscrivaient précédemment leur projet, essayent
d'en faire le maillon clé d'un hypothétique axe ouest-est (Lyon-Kiev). Ce
nouvel axe sera-t-il en concurrence avec les autoroutes de la mer que promeut
également l'union européenne, de l'Espagne jusqu'à la mer noire?
La vision stratégique et la
détermination des autorités suisses à rendre incontournables les nouveaux passages
ferroviaires du Lôtschberg et du Saint-Gothard vont permettre à la Suisse de
devenir le passage quasi-obligé des transports ferroviaires performants de
marchandises et de capter ainsi les flux économiques nord-sud (ports de la mer
du nord- ports de méditérranée).
Deux récentes inaugurations le
préfigurent. Celle, le 15 avril 2005, du terminal rail-route de Suisse
occidentale dont le débouché principal sera le port de Rotterdam et celle, en
septembre 2005, près de ...Milan, de la plus importante plateforme de
transbordement au sud des Alpes. Révélateur de la détermination suisse, ce pôle
de transbordement, en Italie, a été financé par la Confédération hèlvétique,
par des prêts à taux réduits et par une contribution à fonds perdus.
D'autre part, en mai 1990, le Conseil
Fédéral (le gouvernement suisse) indiquait: « la nouvelle ligne de base du
Mont-Cenis, la ligne de liaison par Chambéry et, éventuellement, l'axe
Rhin-Rhône, font planer sur notre pays le risque de se voir contourner. Cette
perspective doit donc être suivie attentivement. Le TGV-Est et la ligne
Mâcon-Genève, en revanche, raccordent au mieux notre réseau ferroviaire avec le
réseau français à grande vitesse... ». Ainsi la Suisse a su faire preuve
d'influence et retourner la situation à son avantage avec la signature,
le 5 novembre 1999, d'une convention avec la France prévoyant le raccordement
au réseau grande vitesse français par le biais notamment des lignes:
- Genève-Nantua-Bourg-en-Bresse-Mâcon-Paris-Lyon (raccordement à l'actuelle ligne
TGV Paris - Sud-Est);
- Lausanne/Berne-Neuchâtel-Dole-Dijon-Aisy
(raccordement à l'actuelle ligne Paris-Sud-Est et à la future TGV Rhin-Rhône);
- Bâle-Mulhouse (raccordement aux futures lignes TGV Est-européen et TGV
Rhin-Rhône).
Sur le financement du Lyon-Turin
Là
aussi, les effets d'annonce par voie de presse continuent notamment sur les
pourcentages qu'accepteraient de prendre à leur charge l'Union européenne, la
France et l'Italie pour financer la partie internationale de ce projet.
En réalité, l'Union européenne est en
crise notamment sur ses orientations budgétaires. Pologne en tête, les dix
nouveaux membres demandent à bénéficier d'une aide accrue, les anciens Etats
bénéficiaires refusent de trop perdre et c'est non plus 14 projets prioritaires
qui sont prévus dans le cadre de la réalisation des réseaux de transports
européens mais 30. D'autre part, la situation économique et financière de
l'Italie est encore plus grave que celle de la France.
Là également, comme avec la France, l'incertitude est très grande sur la volonté et la capacité d'engagement. Il se pourrait que le ministre italien des transports, Pietro LUNARDI, spécialiste de la construction des tunnels et qui a fondé Rocksoil SPA où travaille sa femme et son fils, soit désolé de ce contretemps.
C'est
la raison pour laquelle l'Union européenne a choisi de nommer une coordinatrice
sur ce projet qu'elle estime être en danger.
Marcel GIRARDIN